Jordan Dupuis

Jordan Dupuis

Animateur, chroniqueur, journaliste culturel, auteur et conférencier, Jordan Dupuis se distingue par sa présence diversifiée depuis des années à travers tous les médias du Québec. Qu’il s’agisse de la télé, de la radio, du web ou des magazines, il touche à tout et avec la couleur et passion qu’on lui connaît. Jordan s’est également démarqué pour sa prise de parole publique à propos de la diversité LGBTQ+ et des troubles alimentaires et de l’image corporelle entourant sa perte de poids magistrale de 185 livres.

D’aussi loin qu’il se souvienne, Jordan a toujours voulu raconter des histoires et avait besoin d’un public. Rapidement, sa mère a capté son amour du jeu et a su le faire naître. Il a donc débuté dans l’univers télévisuel à titre d’enfant acteur. Premiers rôles, voix, doublage, publicités, etc. À travers cette carrière qui grandissait, Jordan réalisait qu’il était différent des autres enfants. Il aime les garçons. Ce secret qu’il porta très tôt dans sa vie lui fit développer par mécanisme de protection un trouble alimentaire, soit l’hyperphagie. Jordan grossissait à vu d’œil et son estime de soi diminuait toit aussi rapidement. Il sait aujourd’hui qu’il se construisait une armure qui le suivra toute sa vie. Confronté au refus et au rejet parfois violent du milieu d’acteur, Jordan ne décrochait plus de rôles. Le petit était trop gros. Trop gros pour ceci, trop gros pour cela, juste trop gros. Conscient de son image corporelle à un trop jeune âge, c’était le début pour Jordan de sa longue bataille contre les troubles alimentaires. Les rôles de «petits gros» ne courant pas les rues, Jordan se réfugia dans la nourriture pour survivre dans cet univers, mais aussi, pour cacher sa véritable nature de jeune garçon gai voulant étendre ses ailes.

Traversant l’adolescence en prenant du poids, Jordan se rendit début vingtaine au poids fatidique de 340 livres. De plus en plus loin de ses rêves de télévision et de communication, Jordan subit alors une chirurgie bariatrique qui s’avéra un échec, n’ayant toujours pas travaillé et guéri ce trouble alimentaire qui lui empoisonnait la vie. Plusieurs années de thérapie et de travail sur lui-même à tous les niveaux, Jordan est un survivant et souhaite être porteur de lumière pour ceux qu’il rencontre. C’est pourquoi il s’implique socialement tant pour ce qui est des troubles alimentaires que de la diversité sexuelle et de genre. Il fut tout à tour ambassadeur d’Anorexie et Boulimie Québec (ANEB) ainsi qu’animateur et ambassadeur du Festival Fierté Montréal. Il travaille présentement à l’écriture d’un livre sur son parcours en parallèle de sa conférence-atelier actuelle #SANSFILTRE.

Jordan est devenu une figure importante du paysage médiatique québécois. Habitué des plateaux de télé et des émissions de radio, il est un communicateur passionné et passionnant. Prolifique, il multiplie les collaborations et sa feuille de route est remarquable. Jordan est animateur, collaborateur et chroniqueur télé, radio et web dont présentement à l’émission Bien à TVA, au magazine La Semaine, à l’animation du balado Quartier Général de La Fabrique Culturelle (Télé-Québec) tout en multipliant les collaborations et apparitions sur diverses émissions. Nous avons aussi pu l’entendre récemment et durant 5 ans comme chroniqueur et collaborateur au 98,5 FM et CKOI 96,9 FM ainsi que dans les dernières années sur Canal Vie, V Télé, en vidéo pour le Journal de Montréal et Hollywood PQ ainsi que VRAK.

Également co-auteur du livre J’M les TDAH – Tome 2 aux Éditions de l’homme, il collabore à divers médias écrits et parlés avec la même aisance et le même talent qu’on lui connaît. Également journaliste culturel, Jordan est membre de l’Association québécoise des critiques de théâtre depuis une dizaine d’années.

Diplômé du baccalauréat en communication-télévision de l’UQAM et formé également à l’INIS ainsi qu’à l’école Promédia, Jordan ne cesse de vouloir se perfectionner et s’éduquer. C’est pourquoi, parallèlement à sa carrière dans les médias, il fait sa maitrise en Recherche Création Médiatique.

Un récit de soi

Rédigé par Jordan Dupuis dans le cadre de la maîtrise en communication recherche et création médiatique

Par où commencer ? Quoi dire ? Comment le dire ? Cet exercice de récit de soi m’a semblé au premier regard narcissique à souhait, non loin de ce persona médiatique avec lequel je vis depuis si longtemps, mais il n’en est rien. Ce récit de soi est d’une autre nature, quelque chose de plus fragile, d’introspectif et de plus intime que cet «extimité» que j’ai pris trop longtemps pour de l’intimité. Fouiller en soi pour déterrer autre chose. Une chose que je ne connais pas encore et qui sera au cœur de ce projet de maîtrise, une chose qui m’habite, mais qui est encore lactée, indéfinie, mais bien vivante. Comme le disent si bien Jackson et Mazzei, je dois passer de ce JE narratif à un JE performatif. Nous y voilà.

La semaine dernière, lors de notre présentation orale de ce récit de soi, j’ai compris. J’ai compris que de devoir me mettre à nu devant ce groupe intime d’inconnus, est terrifiant en fait. Pourtant, je gagne ma vie à parler de moi. Aucun gain à tirer de leur côté, ni du mien, pour une rare fois, sinon cet objectif de connecter avec une profondeur que l’on ne m’a jamais vraiment demandé d’atteindre auparavant, servant toujours un concept, une émission, un article, un mandat, un cachet UDA et afin d’être vu. Faussement exister.

Exercice que j’aurais aussi pensé facile, car j’ai toujours su raconter les choses, mettre en scène, tant pour moi que pour les autres, facilement, en jouant parfois même, jeu que les médias demandent et dont ceux-ci sont avides. Chose certaine, je n’ai jamais menti. Promesse que je me suis faite. Chose certaine, je n’ai pas tout dit. Promesse que je me suis faite aussi. Je ne sais donc pas dans quelle forme ce récit de soi prendra vie, mais je vais tenter de le mettre en mot le plus chronologiquement possible, le plus fidèlement possible et le plus sensiblement possible. Nous n’avons que 1500 mots après tout.

J’ai toujours voulu être acteur. D’aussi loin que je me souvienne. Rapidement, ma mère a capté mon amour du jeu et a su le faire naître. Tragédienne de renom, elle a vu dans son fils aîné, je viens d’une famille de trois fils, cette sensibilité et ce sens du spectacle qu’elle a toujours eus, mais n’a jamais pu faire vivre. J’ai donc rapidement fait partie d’une agence de jeunes talents. Premiers rôles, voix, doublage, publicités, je faisais de l’argent et ma mère souhaitait qu’on le montre. Parure du succès, parure qui m’a, je le constate aujourd’hui, empêché de connecter avec les autres enfants de mon âge. Toujours absent de l’école pour des tournages et des castings et quand présent, tirés à quatre épingles avec des vêtements griffés, je détonnais. Les enfants étant ce qu’ils sont, moqueries, envie et intimidation sur cette surcharge pondérale qui naissait peu à peu. Je grossissais à vu d’œil. Je me construisais, je le sais aujourd’hui, cette armure qui me suivra toute ma vie. C’est aussi à cette époque, en 5e année du primaire, que j’ai fait une première dépression juvénile. Je refusais d’aller à l’école et aux auditions, trop gêné de ces petits «totons de gros» et de cette féminité typiquement gaie qui prenait de plus en plus de place et qui me rendait différent aux yeux des autres. Trop complexé pour continuer l’école, ma mère sous le conseil d’un ami pédiatre me fera subir ma première liposuccion des seins. J’ai 10 ou 11 ans, je suis à Ste-Justine, je m’en souviens comme si c’était hier. Avec le recul, je ne peux concevoir qu’un parent concède à une telle idée. C’était une autre époque ma mère dira, elle, désemparée, ne souhaitant que mon bonheur. On la comprend, car j’étais, au-delà du clown, un enfant triste.

Cinquième année donc, pansements cachés sous mon t-shirt, à l’école, portant déjà cette honte de mon corps et ce secret. Début fulgurant de cette relation toxique avec mon corps et les troubles alimentaires et l’hyperphagie. Relation toxique qui me poussa à laisser tomber ma carrière d’acteur, devenu trop gros pour des castings de pubs, trop gros pour ceci, trop gros pour cela, devant réduire mon poids sur chaque fiche d’audition et me faisant dire «Jordan est rendu trop gros pour de la pub de bouffe». J’ai donc, vers 16 ans, préféré jeter l’éponge. Encore aujourd’hui, je me demande si ce fut une bonne ou une mauvaise décision.

J’ai débuté la radio très tôt dans mon parcours professionnel. Dès ma première année de baccalauréat en Communication -Télévision à l’UQAM, je me suis plongé dans la radio. À la fois sur CIBL 101,5, CISM 89,3 et CHOQ FM. J’étais boulimique de radio. Le jeu de mots s’y prête. J’aime la radio. Un média de contenu et peu de l’image. Du moins à l’époque. Passionné de culture, j’ai su rapidement faire ma place dans le milieu de la critique culturelle indépendante. Théâtre, cinéma, festivals, expos… j’ai tout vu et je continue de tout voir. Ça me garde en vie et me nourrit. J’adore réaliser des entrevues avec nos créateurs, ayant rêvé de devenir René Homier-Roy, Christiane Charette ou Oprah Winfrey. J’ai animé sur ces radios et chapeauté une équipe de collaborateurs et d’invités chaque semaine, et ce durant plus de 15 ans. La radio m’a tout appris de mon métier de communicateur.

Il y a environ 5 ans, la Fabrique Culturelle de Télé-Québec nous recruta pour réaliser notre Quartier général version balado pour le site web de TéléQuébec. Parler de culture et être rémunéré, en toute liberté, entouré de créateurs et sans pression de cotes d’écoute ? Je n’y crois pas encore. Quelle période merveilleuse ! L’idylle se termina, mais Quartier Général continue de vivre sur Facebook comme une plate forme d’actualité culturelle. Depuis les cinq dernières années, j’ai été tour à tour chroniqueur au 98,5 FM et CKOI 96,9, animateur pour Hollywood PQ et pour le Journal de Montréal, blogueur pour Urbania, collaborateur au magazine la Semaine, chroniqueur à TVA pour l’émission BIEN (où je suis toujours), producteur au contenu, auteur d’un livre sur le TDAH aux éditions de l’Homme et plusieurs autres contrats tant devant que derrière, versatilité déconcertante et ridicule qu’exige le métier de pigiste dans les médias.

C’est aussi à travers la dernière décennie que j’ai su guérir mon trouble alimentaire, l’hyperphagie, à travers une thérapie ANEB Québec (où je suis devenu ambassadeur), mais aussi en psychologie spécialisée pour les troubles reliés à l’alimentation et l’image corporelle. Au début de ce parcours, j’avais atteint le poids de 340 livres. Peu à peu, chaque couche de cette armure que j’ai traînée si lourdement disparaissait. Près de 180 livres perdues plus tard et beaucoup de travail, je me considère en rémission de la maladie. En rémission, car nul ne sait quand celle-ci reviendra se pointer le bout du nez, la COVID 19 m’ayant d’ailleurs grandement «challengé» à ce niveau. Le vautour qui plane au-dessus du petit mulot qui pense être bien caché, c’est la métaphore qui illustre le mieux mon rapport à l’hyperphagie.

Cette transformation, je l’ai donc vécue à l’écran, mais aussi dans la noirceur de l’intimité, chevauchant un cheval furieux à travers mes démons, mais devant toujours garder le sourire. Kodak oblige. Je devais être impeccable, touchant enfin à ce rêve ultime de passer de derrière la caméra à devant, chose que je ne pouvais espérer lorsque j’étais obèse. Rapidement, on m’a approché pour témoigner de ce parcours, mais aussi pour donner mon opinion et discuter des enjeux LGBTQ+ dans les médias. Je suis donc à ce jour, positionné médiatiquement à la fois comme journaliste culturel, mais aussi comme intervenant LGBTQ+ et «spécialiste» de l’image corporelle et des troubles alimentaires.

En ce sens, je pourrais dire que je possède deux vies, celle d’avant ma chirurgie bariatrique et de ma thérapie et celle-ci, où j’ai commencé à revivre tranquillement et apprivoiser ce nouvel humain que je suis devenu, laissant tomber les couches de fausses paillettes pour me connecter davantage à des valeurs plutôt que des titres.

Je suis également, en même temps que cette maîtrise, au programme court en pédagogie de l’enseignement supérieur. J’enseignerai au cégep en communication et médias. J’en rêve. Je veux plus d’humain et de vrai dans ma vie et reconnecter avec cette intellectualité que l’industrie «mainstream» m’a fait perdre. Mais aussi, réfléchir et transmettre ce feu qui m’habite pour ce domaine, aussi violent puisse-il être. J’ai eu la chance d’avoir des enseignants extraordinaires qui ont su capter cette braise en moi et me diriger de la bonne façon. Je souhaite être cette personne à mon tour.

Ce projet final de maîtrise germe peu à peu en moi et je sens que celui-ci portera sur la notion des genres et la masculinité. Celle toxique, trop présente dans le milieu gai et dans notre société. Je veux la remettre en question et y réfléchir, car elle a su me rendre la vie difficile si longtemps, ayant grandi dans une famille de quatre hommes et à l’âge adulte, ne correspondant pas à ce qu’un homme beau doit être chez les homosexuels. J’ai envie de créer ce projet avec, peut-être, une perspective pédagogique puisque je me dirige dans cet univers. L’idée m’enchante et le chemin pour y arriver se dessine doucement.

Je termine ce récit de soi confronté, positivement certes, apaisé, mais aussi fier et déterminé. Mettre des mots sur soi… c’est bien finalement.

Merci pour cet exercice, il fera du chemin.

Jordan

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