Existence posthume
Écrit par: Geneviève Haché
Les bébés n’auront plus de lait, ils devront survivre autrement. Ils devront écrire. Pas écrire pour vivre. Écrire pour exister. Et exister pour vivre. J’avais 19 ans quand j’ai écrit cette phrase. Je comprenais qu’il fallait être aimé pour exister. Que sans amour, il est difficile de survivre. Ma mère ne m’a jamais dit « je t’aime ». Je devais survivre autrement. Mes allures de garçon la rebutaient. Elle réduisait à la déviance mon penchant pour Lucie, ma meilleure amie. Ma mère est la seule femme à laquelle j’ai choisi de plaire. Excepté quand j’écrivais. Une double vie où je n’étais qu’infidèle à moi-même. Avant mon départ, Lucie a déposé un baiser sur mes lèvres. Notre premier et dernier baiser. J’ai pointé mes cahiers sur la table, au bout de la chambre. Elle les a serrés contre son cœur. J’ai mis si longtemps à exister, je ne suis maintenant plus qu’en filigrane à travers mes écrits. Je ne vis plus, mais j’existe. Sur la dernière page, bien centré, en gras, ma seule certitude : « Il vaut beaucoup mieux exister de son vivant, que de mourir de soif. »