J’ai souhaité être normal

Prendre des ciseaux et se griffer les poignets, avaler des médicaments jusqu’à s’en dilater les pupilles et oublier toute une journée en famille, boire à en vomir pour taper dans les murs et rire d’être capable de s’enfoncer des punaises dans l’avant-bras sans rien ressentir, vouloir se brûler au même endroit avec un briquet et abandonner car la douleur est trop intense, prendre de rage une voiture et rouler à 100 kilomètres heure sans attacher sa ceinture. Je ne sais pas encore mettre de mots sur mon mal-être, à l’entrée dans l’âge adulte. Tout au fond de moi, je savais pourtant ce qui pouvait me sauver. Mais le long de ma courte existence, je n’ai eu de cesse que de le refouler, de le rejeter, non pas parce que j’aurais pu en ressentir un profond dégoût, mais parce que ça ne faisait pas partie du plan que j’avais établi pour moi. Être normal, passer pour normal, entrer dans la normalité, être comme les autres, comme tous les autres, avoir leur reconnaissance, ne pas susciter l’interrogation, ne pas attirer le regard hormis celui de l’approbation.