Prescriptions littéraire – Michel Dorais 2024
Écrit par: Michel Dorais
NO 1. Le premier est un des récits les plus émouvants lus à vie. J’étais tellement emballé que je l’ai offert à un proche, qui est comédien et qui a fini par jouer le rôle principal dans l’adaptation théâtrale du roman au Québec ! On y parle de l’intérieur, avec émotion et grande justesse, de l’épidémie du VIH qui fait tant de ravages et ravivé tant de préjugés. Je recommande vivement.
NO 2. On connaît Almodovar le cinéaste, qui est un excellent raconteur d’histoires. Ce recueil de nouvelles récemment paru est à la hauteur de sa réputation. Chaque petit récit pourrait donner un roman. C’est brillant, original, coloré, bref c’est un très bon moment à passer en compagnie de Pedro Almodovar.
No 3. Cet ouvrage de Didier Éribon date de 25 ans en édition originale, mis à jour en 2012. J’ai eu le privilège de rencontrer Éribon, dont l’érudition est admirable (il fut un proche de Michel Foucault), bien que lui et ses écrits soient toujours des plus accessibles. Un classique, qui n’a pas pris beaucoup de rides puisque c’est une analyse très fine de l’homophobie.
No 4. Prof en cinéma, Julie Vaillancourt tient notamment chronique dans FUGUES. Passé hélas inaperçu dans les médias, son ouvrage intitulé À tout prendre et il était une fois dans l’est dresse un portrait de la société québécoise à travers deux célèbres films. Ce livre est brillant d’Intelligence et de culture… et pourtant ça se lit (presque) comme un roman.
No 5. Panayotis Pascot est peu connu ici; c’est un comédien célèbre en France. Son ouvrage n’est pas le premier récit d’un coming out; il est toutefois exceptionnel. En raison d’une sensibilité à fleur de peau et d’une écriture parfaitement maîtrisée. C’est en somme l’histoire d’une descente aux enfers se terminant, fort heureusement, par une renaissance.
No 6 Sergueï Shikalov est russe, comme son nom l’indique. Bien que son ouvrage porte la mention ROMAN, c’est le récit du basculement graduel de la société russe dans une terrible homophobie encouragée, pour ne pas dire sacralisée, par l’État. Peut-être est-ce annonciateur de ce qui attend sous peu nos voisins du sud, voire nous-mêmes si nous n’y prenons pas garde… Un judicieux avertissement.
No 7. C’est le hasard qui a mis entre mes mains le beau roman BRAVOURES, édité par une maison d’édition de Tahiti. Gros coup de cœur pour cette rencontre de deux soldats que tout sépare mais qui vont tomber amoureux, l’un de l’autre contre toute attente. C’est raconté par le neveu gay de l’un d’eux, qui mène enquête pour retracer un passé qu’on avait tenté d’effacer. Un chef d’œuvre.
NO 8. Le Lynx est un tout petit récit d’une redoutable efficacité, dans le quel chaque mot compte et porte. Une rencontre amoureuse très improbable en un jeune homme hétérosexuel bien marié et bien établi dans la vie et un tout jeune homme désoeuvré. Une histoire qui, malgré sa brièveté, ne manque pas de rebondissements.
No 9. Les éditions H & O réédite l’ensemble de l’œuvre d’Yves Navarre. À mon humble avis, le petit galopin de nos corps est son chef d’œuvre. Navarre a confessé qu’il avait écrit cette histoire en imaginant que ses deux grands-pères étaient devenus amants dans leur jeunesse, au début des années 1900, et le seraient restés plus de 35 ans, malgré leurs mariages respectifs. Hypersensible, Navarre, décédé il y a déjà 30 ans, savait nous emmener dans son monde.
NO 10. Je ne sais comment classer Le pouvoir du chien, de Tom Savage : roman policier ? Thriller? Roman psychologique? Western déjanté ? En tous les cas, voilà un roman (adapté au cinéma) qui ne laisse pas indifférent et qui nous habite longtemps après l’avoir lu. C’est surtout l’histoire de la vengeance imprévisible d’un jeune homme que l’homophobie ambiante avait tenté de détruire.
NO 11. Les Vilaines est un grand roman qui se passe dans les milieux les plus défavorisés de la communauté trans d’Argentine, là où la prostitution est souvent la seule façon de survivre. Pourtant, il n’y a pas une once de misérabilisme dans cette histoire, mais de la joie malgré tout, de la bonté, de la générosité et de la détermination de la part de ces femmes auxquelles on s’attache beaucoup au fil de la lecture. À noter que l’auteure est elle-même trans.
No 12. J’apprécie énormément le romancier Philippe Besson, dont la plupart des ouvrages comporte une histoire gay (souvent en partie autobiographique). Celui-là, qui a aussi donné un film, est mon préféré. Parce que c’est une histoire d’amour supposé impossible qui couvre finalement, et très silencieusement, plusieurs décennies. C’est en bonne partie construit à travers la rencontre de l’auteur et du fils de son ex-amoureux de jeunesse. Poignant.