Renaissance
Écrit par: Ian André
L’écrivaillon a passé près d’une décennie sans écrire le moindre mot. Dix ans à laisser mourir ses songes sans qu’ils n’aient pu aboutir à de véritables idées. Il a l’impression que sa tête a rapetissé de façon alarmante et qu’il y manque l’espace nécessaire pour y ranger quelque pensée que ce soit, comme un estomac ratatiné après avoir été affamé pendant des lustres. Alors qu’il repart aujourd’hui en quête de mots à assembler, il se fait prudent pour ne pas rendre son cerveau nauséeux ou l’atrophier.
En abandonnant l’écriture, l’écrivaillon a également laissé son identité derrière en pièces détachées. Retrouver et recoudre les morceaux fut une tâche ardue et pénible. En s’obstinant à éviter de coucher l’expérience sur papier, ses souvenirs en sont devenus vagues et lointains. Il se sent comme le fantôme d’un autre homme; s’il retrouvait ses mots d’autrefois, il ne s’y reconnaîtrait pas.
L’écrivaillon peine à être optimiste; il a déjà fait le deuil d’un langage qui lui semble à jamais perdu. Il y a toutefois cette voix véhémente qu’il entend parfois lui crier qu’il n’est pas trop tard. Il se surprend alors à s’imaginer écrire tout au long des dix prochaines années. L’écrivaillon se sent revivre.